Certaines séquences des films de Laura Gozlan présentés dans l’exposition peuvent heurter la sensibilité des enfants.

Exposition présentée dans le cadre de Exporama

 

Le travail de Laura Gozlan prend la forme d’installations composées de sculptures et de vidéos. Pour son exposition personnelle à 40mcube, elle crée un environnement sculptural dans lequel est diffusé un cycle de micro-fictions vidéo.

Jouant sur des effets occultant ou filtrant, les voiles qui composent l’espace masquent pudiquement puis révèlent progressivement les œuvres, nous invitant à évoluer dans un univers domestique un peu froid, entre le salon et le cabinet médical, qui transpire un rapport au corps sans cesse détourné et évoqué dans toutes ses dimensions, sensuelle, sexuelle, scientifique, médicale et religieuse. Un masque noir dégoulinant de matière, à la fois amusant et effrayant, artefact et objet chargé de pouvoirs, règne sur le lieu et se découvre au détour des rideaux. Ce déplacement physique nous amène à reconstituer un récit qui se déploie dans les films et les sculptures présentés.

Les trois films présentés dans cet environnement mettent en scène un personnage unique nommé MUM et incarné par l’artiste elle-même. Cet être ambigu proche du zombi, au maquillage expressionniste et au jeu outrancier, s’adresse à nous vêtu d’un tailleur classique, manipule des objets paraissant exhumés d’outre-tombe, dans un lieu aux allures de boudoir et de cabinet de psychanalyse. Ce personnage se dédouble constamment, entre un état de contrôle et celui de pulsions qui lui échappent, explorant la manière dont ont été successivement traités et diabolisés le corps et la sexualité des femmes, à travers une série de représentations, celle de la mère archaïque, de la sorcière ou de la vampire. Comme en témoigne le titre de l’exposition qui peut être lu dans un sens comme dans l’autre, sorcellerie onaniste ou onanisme sorcier, Laura Gozlan assimile d’emblée ces deux pratiques, tout aussi taboues l’une que l’autre. Dans une dimension rituelle de l’ordre de la magie sexuelle, l’orgasme de ce personnage le plonge dans une état proche de la transe qui lui donne un pouvoir d’autoreproduction, évoquant les expériences de clonage du post-humanisme, et un pouvoir d’autoréalisation, qu’on ne peut s’empêcher de rapprocher de l’acte créateur de l’artiste.

Instaurant une atmosphère étrange et dérangeante, ces films à la dramaturgie travaillée proposent une mise en abyme, une histoire au second degré qui joue de manière frontale avec des codes de genres – y compris artistiques –, et des symboles – notamment sexuels. S’inspirant à la fois des tutoriels que l’on trouve sur Internet, du Giallo – ce genre cinématographique italien qui combine polar, horreur et érotisme –, des films d’anticipation, des documents scientifiques, l’artiste ajoute à ces références une dose d’humour et de grotesque. L’amplification de sons de matières gluantes et de liquides renforce cet effet, permettant de prendre une distance avec l’apparent sérieux des images et l’aspect technologique des écrans LED sur lesquels elles sont diffusées.

Cette production hybride qui se rapproche davantage de la performance ou du théâtre filmé que du cinéma, se prolonge dans l’espace d’exposition. Pensé comme une extension des films, celui-ci accueille entre les voiles qui le recomposent des sculptures organiques, fragments anatomiques augmentés de prothèses dans des positions de contorsion évoquant l’enfantement, la douleur comme la jouissance. Esthétiquement proches des objets manipulés par MUM dans les films, elles se révèlent sur le fond du décor dans lequel les images ont été tournées, présenté sur l’un des murs.

Ainsi l’exposition Onanism Sorcery est faite de va-et-vient entre différents éléments, les œuvres qui la composent comme les références qui agissent en hors-champ. Elle nous plonge dans un univers trouble, reflet de sujets produisant sur nous un puissant effet d’attraction et de répulsion. En jouant avec ces impacts contradictoires, Laura Gozlan nous propose un monde complexe, non binaire, où l’étrangeté et l’hybridité seraient la norme.

Anne Langlois

Laura Gozlan est représentée par la galerie Valeria Cetraro.
Laura Gozlan a bénéficié du soutien à un projet artistique du Cnap.