Exposition présentée dans le cadre de Exporama.

Depuis leur participation à la première édition de GENERATOR en 2014, Aurélie Ferruel & Florentine Guédon ont développé leur travail de manière spectaculaire, multiplié les résidences, les expositions collectives et individuelles en France et à l’étranger.

Pour leur exposition à 40mcube, leur recherche s’est focalisée sur le rapport à la terre de manière générale, et sur leur propre attachement à cet élément, dont elles réalisent l’ampleur de l’influence sur leur vie et leur travail à différents niveaux, intime, symbolique, familial, juridique, social, sociétal, écologique. Elles produisent une installation composée de différents matériaux bruts et retravaillés, et réinterrogent les contours de leur collaboration dont elles repensent le fonctionnement. L’exposition est la somme et l’articulation de ces individualités et d’éléments produits de manière autonome, à la manière d’une exposition collective particulièrement harmonieuse, qui se révèle en différentes strates et s’explore progressivement.

Les peintures aux couleurs douces qui dessinent l’espace proposent une circulation entre des paysages champêtres et fleuris, dont une scène de tendresse entre une vache et son veau. Le terme Nouaison, qui signifie ce moment fragile et furtif où la fleur se transforme en fruit, se concrétise dans une sculpture constituée d’une branche d’arbre se prolongeant en de précieuses sculptures de verres. Une première vision bucolique, renforcée par une composition sonore ambiante, dont on peut saisir des commentaires sur la relation à la nature, aux animaux, aux métiers de l’agriculture, sous l’angle de l’amour et de la beauté. Ces récits fragmentaires s’avèrent être récoltés auprès des familles des artistes qui expriment là une approche poétique de leur activité et de leur vie.

Cette poésie semble toutefois se troubler à la découverte d’une scène de vêlage peinte, et par l’étrangeté des sculptures présentées au sol ou adossées aux murs, qui peuvent évoquer de nombreuses références de l’histoire de l’art. Oscillant entre des gisants, des dieux et déesses mythologiques aux symboles de vénération de la fertilité, ces personnages aux yeux occultés par des graines arborent des positions quelque peu torturées. Autant d’individus, humains, dieux et déesses, animaux, qui semblent nous scruter.

Discrètement placé, un casque audio nous propose une écoute individualisée pouvant se faire en déambulant dans l’exposition au son d’un récit se substituant à celui diffusé de manière ambiante. Nathalie, notaire, raconte les successions, les héritages, et les transformations générationnelles du monde agricole.

L’exposition bascule alors vers un autre mode, celui beaucoup plus frontal du documentaire, qui contraste avec l’aspect faussement idyllique de l’installation. Un deuxième temps plus dur, comme un envers de décor, une contrepartie plus rugueuse qui vient se fondre dans le premier tableau.

Au fond de l’espace une peinture-sculpture-banquette permet de s’assoir – ou de s’allonger – pour écouter de façon statique le témoignage de Louise, psychologue, qui aborde de but en blanc des sujets pourtant tabous, le viol et l’inceste. Au-dessus, deux yeux perchés évoquent le phénomène de dissociation provoqué par un traumatisme.
Ainsi à travers ces questions de transmission, d’héritage, de secret de famille qui émaillent leurs œuvres de manière parfois tendre, parfois drôle, parfois rude, Aurélie Ferruel & Florentine Guédon montrent une complexité, et la non binarité du monde, défaisant des clichés tout en essayant de ne pas en créer d’autres.

Anne Langlois