Exposition présentée dans le cadre de Exporama.

Dans l’exposition L’île de la résidence, Anne Brégeaut déploie son univers sous la forme d’une série composée de peintures préexistantes et de nouvelles œuvres, entre lesquelles s’insèrent des extraits du roman éponyme, focalisés sur le rapport au paysage et les émotions des personnages. L’exposition laisse apparaître une atmosphère partagée, aborde la question du processus créatif, la manière dont la narration fait espace et la place que le texte y prend, ainsi que, plus largement, la question de la fiction dans le commissariat d’exposition.

Rempli de paysages colorés, peuplé d’animaux ou de rares personnages stylisés qui évoluent dans des scènes narratives énigmatiques, l’œuvre d’Anne Brégeaut laisse une grande part à l’interprétation. Sa série Mes insomnies s’apparente paradoxalement à des images et des histoires qui paraissent extraites de rêves, dans une dimension psychanalytique. La peinture, dense et rythmée, recouvre l’intégralité de la surface de chaque toile, qui propose tour à tour des points de vue rapprochés où aucune ligne d’horizon n’apparaît, des regards lointains et distanciés, ou des plongées dont la hauteur accentue l’étrangeté des scènes. De petits formats, ces œuvres demandent comme un texte de s’approcher, créent un rapport de proximité, d’intimité, une bulle de concentration favorable à l’observation.

L’île de la résidence est un texte de fiction dont l’histoire se déroule dans le cadre d’une résidence à la montagne où quatre artistes sont invités à vivre et travailler dans un petit village nommé Nie. Ils s’y rencontrent et découvrent cet environnement, à partir de ce qu’on leur raconte et ce qu’on leur cache. En parallèle se construisent leurs œuvres, avec les étapes de recherche et de production, les discussions et les validations, ainsi que les différentes phases de doute et de fulgurances qu’ils et elles traversent. Ainsi leurs histoires personnelles et celles du territoire se rejoignent, avant d’atteindre leur apogée dans ce qu’on appelle en théâtre l’acmé, et en anglais pour la littérature et le cinéma, le climax. À partir de ce moment-là, tout déraille.

Dans l’exposition, les extraits du livre recomposent une lecture fragmentée dont le récit est par conséquent lacunaire, incomplet, renforçant le rôle du lecteur dans sa capacité à le compléter à sa guise.

L’édition du roman, elle, prend le contrepied de l’exposition en égrainant au fur et à mesure du récit une sélection de peintures d’Anne Brégeaut.

Évitant l’illustration du texte par les peintures, et le commentaire sur les peintures par le texte, l’exposition emprunte une troisième voie, celle ou texte et images suggèrent une possible interprétation de l’autre. C’est donc sur un fil, dans un fragile équilibre que ces deux axes se rencontrent, s’imbriquent et se complètent tout en conservant leur autonomie, dans un respect de la forme de chacun, dans une simplicité de présentation.

À eux deux, peintures et texte constituent une ligne physique qui se déroule à hauteur d’yeux, pouvant être suivie dans un sens comme dans l’autre ou de manière aléatoire. Ils se rejoignent dans une enveloppe mauve, que l’on retrouve dans l’édition. Cette couleur mélangée, irréelle, à la manière dont les couchers de soleil peuvent parfois apparaitre naturellement chimiques, recouvre les murs, constituant un fond qui fait lien. Vibratile, doucement hallucinatoire, cette couleur improbable renvoie à une dimension présente dans les œuvres qu’elle contient et porte, laissant une place à ce qu’on ne comprend pas, à ce qu’on ne maîtrise pas. Et c’est peut-être un certain éloge du doute qui rassemble d’ailleurs ces différents éléments dans l’exposition : celui de l’artiste dans son processus créatif, celui de la personne face à ce qu’elle voit, lit, perçoit. Un doute productif, fécond, qui interpelle et permet d’accueillir des projections personnelles.

Anne Langlois

À l’occasion de l’exposition, L’île de la résidence d’Anne Langlois est publié dans un ouvrage incluant des peintures d’Anne Brégeaut. + d’informations.

Lire les extraits du roman présentés dans l’exposition.

Écoutez les extraits du roman présentés dans l’exposition.

Vernissage de l’exposition le vendredi 20.05.2022 à 18h. Le même jour, La Criée centre d’art contemporain vous invite à 18h30 au vernissage de l’exposition Le cantique des oiseaux de Katia Kameli. + d’informations