Commissariat de la résidence : 40mcube.

Œuvre visible 7j/7, 24h/24
Forêt de Rennes
Coordonnées GPS : 48.186939,-1.566585

Sur une proposition de 40mcube, l’association Là-Haut invite Laurent Tixador à réaliser une œuvre dans le cadre du projet l’Appel de la forêt.

L’artiste réalise une œuvre collaborative inspirée des cagnas, ces abris construits par les soldats durant la Première Guerre Mondiale. Des habitants du territoire se joignent à Laurent Tixador et, pendant 15 jours, dans la forêt de Rennes, ils construisent ensemble une cagna en utilisant exclusivement des matériaux issus de la forêt. Cette œuvre est la première réalisation d’un parcours artistique forestier le long du GR 39.

« Durant la Première Guerre Mondiale, les soldats étaient cantonnés pendant leurs périodes de repos dans des villages ou des fermes à l’arrière du front. Quand les bâtiments sont venus à manquer, beaucoup d’entre eux ont été envoyés dans les bois pour se reposer. Ils ont alors construit eux mêmes leurs logements en cherchant à combiner l’habitabilité avec une vision utopique de la situation, des savoirs faire et les matériaux disponibles.

Sur quelques rares documents, on peut voir ces résidences agrémentées de fleurs, de rideaux, d’éléments ornementaux ou encore de détails architectoniques singuliers voués à projeter leurs occupants dans une sorte de quotidien fictionnel léger. Ils ont ainsi créé des logements ponctuels et au final, ils ont bâti des monstres. Pas les monstres angoissants dont on a peur, mais plutôt ceux dont la difformité nous bouleverse, comme dans le Freaks de Tod Browning.

Ces soldats, qui n’avaient pas envie d’être là où ils étaient, ont cherché à rendre leurs constructions toujours plus personnelles en assemblant au mieux ce qui se trouvait dans leur environnement. Ils ont défini un urbanisme et un mode de vie éloigné de l’espace cadastré conventionnel et de la hiérarchie militaire. À l’inverse des robustes structures défensives, ce sont de petites choses fragiles démarrées sans plan initial et qui ont trouvé leur force en banlieue de la guerre au fur et à mesure qu’elles évoluaient.

L’abri est un besoin fondamental. Nous construisons des maisons pour conserver un climat constant, pour nous protéger des prédateurs, créer de l’intimité ou du lien social, mais d’autres facteurs non-utilitaires influent fortement sur un bâtiment, parfois au détriment du confort ou en dépit de toute logique constructive. Il convient donc de s’interroger sur une dimension cachée de l’habitat transitoire : comment trompe-t-on la perte de repères ?
Alors que la question de la crise du logement et des réfugiés climatiques est de plus en plus prégnante, ces cagnas prennent un sens particulier, celui d’un « taxon Lazare »* de l’architecture.

C’est en rebâtissant ces habitations que l’on peut ressentir les besoins et les envies de leurs habitants.
Dans le respect des matériaux disponibles et en fonction du lieu, il s’agit de restituer un cagna en utilisant les mêmes techniques que les constructeurs de l’époque. La restitution est réalisée en remplaçant les matériaux ordinaires du début du XXe siècle par des matériaux de récupération contemporains collectés à proximité du lieu de construction.
Pourquoi ? Se déplacer sans rien emporter nous oblige à savoir tout fabriquer. Ce projet s’intéresse à la relation entre l’architecture et la mobilité mais aussi à la place qu’un homme au destin incertain peut donner à la création.

Ces constructions anciennes préfigurent un mode de vie alternatif que l’on retrouve actuellement sur les ZAD dans lesquelles les habitants cherchent une façon de vivre ensemble en harmonie avec la nature sans s’appuyer sur les règles d’urbanisme en usage. Elles nous rappellent aussi que cette vie n’est pas forcement un choix mais plutôt le reflet des multiples dérives sociales qui ont aussi généré la jungle de Calais et tous les campements dans lesquels des migrants ont été forcés à se loger par eux mêmes en raison de la privation de leur capacité de déplacement.

* Un taxon Lazare est un taxon existant (une famille, un genre, une espèce) que l’on a cru éteint, ou un taxon qui n’est pas retrouvé dans le registre fossile pendant une période significative de l’histoire de la Terre, et qui semble « réapparaître » à un moment donné. Ce terme est utilisé en paléontologie. Par extension de sens, il pourrait aussi s’appliquer à des espèces considérées comme « éteintes », faute d’individus observés pendant plusieurs années ou décennies, voire siècles, mais redécouvertes vivantes.

Résidence réalisée dans le cadre de L’appel de la forêt.