Né à Pinar del Río à Cuba en 1965, Segundo Planes est diplômé de l’Escuela Provincial de Arte de Pinar del Río en 1979, de l’Escuela Nacional de Arte en 1983 et de l’Instituto Superior de Arte de La Havane en 1989, avec une thèse intitulée La vida es una mierda y el mundo está loco, Antítesis, écrite sur trois rouleaux de papier toilette. Il a été l’un des premiers artistes cubains à réaliser des performances artistiques, toutes mémorables – comme celle produite lors de la soutenance de sa thèse. Depuis août 1990, il vit à Monterrey, au Mexique.
L’exposition Estructura Ósea del Cero rassemble des œuvres des années 1980 correspondant à une période stylistique spécifique de l’artiste, comme à une période créatrice prolifique à Cuba.

Le titre de l’exposition, que l’on peut traduire par « structure osseuse du zéro », donne d’emblée un ton presque surréaliste à l’exposition. Dans ses toiles aux formes proches de l’abstraction, aux paysages sans fonds et sans supports, comme suspendus dans l’espace, évoluent des personnages hallucinés, démoniaques ou simplement en colère. Quelque chose d’inquiétant, de révolté et de débridé, qui devient presque jubilatoire, en émane. Si les grandes peintures paraissent – peut-être faussement – sereines, posées et contemplatives, elles nécessitent de s’approcher pour dans un second temps en observer les détails. Différentes échelles y cohabitent comme autant de mises en abyme, de scènes dans les scènes dans lesquelles des motifs aux allures de symboles agissent comme des codes secrets délivrant un message tout personnel sur des sujets métaphysiques comme la vie, la mort, l’enfantement, récurrents dans le travail de l’artiste. Les peintures de petit format apparaissent ainsi comme des détails agrandis et extravertis, extraits des plus grandes. Signées Nadie (« Personne »), l’une des nombreuses signatures de l’artiste (comme Gloria a la Muerte, Mierda, Cloaca, Juan Carlos…), elles représentent une facette de sa production que l’on peut qualifier d’irrévérencieuse, que ce soit en direction du régime cubain comme du système de l’art.

D’une inventivité visuelle instinctive et spontanée, la composition des chimères picturales de Segundo Planes révèle l’habileté technique de l’artiste, sa maîtrise des qualités chromatiques, la diversité de son inspiration et son interprétation allégorique. Dans un principe de renouvellement, il s’appuie sur l’histoire de l’art pour produire une peinture de la subjectivité.

Régulièrement le texte se glisse dans les œuvres, sans que l’artiste ne lui donne de rôle explicatif, pédagogique, mais plutôt une dimension poétique, un moyen supplémentaire de créer de l’image que chacun·e peut interpréter à sa manière.

Explorant la peinture pour son potentiel expressif, qui traduit son subconscient et ses visions, Segundo Planes propose une immersion dans un univers fantasmagorique, poétique, lyrique, exubérant, paranoïaque. Sa production relève du plus grand style baroque existant à ce jour dans l’art à Cuba.

Anne Langlois

Cette exposition est présentée dans le cadre de Tout le poids d’une île. Collectionner l’art cubain qui réunit cet automne et cet hiver 250 œuvres de plus de 100 artistes cubain·e·s de la collection de François Vallée dans trois institutions : le centre d’art 40mcube à Rennes, le centre d’art Passerelle à Brest, et le Musée des beaux-arts de Rennes.