Exposition présentée dans le cadre du programme Suite, initié par le Cnap en partenariat avec l’ADAGP.

40mcube
48, avenue Sergent Maginot
35000 Rennes

Dans le cadre du programme Suite initié par le Centre national des arts plastiques en partenariat avec l’ADAGP, 40mcube présente l’exposition collective Bertfalhe qui réunit les artistes Hélène Bertin, Éléonore False et Ingrid Luche.

Les œuvres d’ Hélène Bertin, d’ Éléonore False, d’ Ingrid Luche, réunies dans l’exposition Bertfalhe, ont comme point commun d’être liées à un voyage, à la découverte de villes et de territoires, témoignant d’une curiosité pour l’autre et pour l’ailleurs. Chacune d’entre elles a donc entrepris un voyage, Éléonore False est partie au Japon à la rencontre des Aïnous, Ingrid Luche à Los Angeles sur les traces des artistes américains, Hélène Bertin effectue un retour à Cucuron, son village d’origine dans le sud de la France. De destinations dont les cultures nous sont lointaines à des imageries familières car portées par les médias au niveau d’un mythe, à des contrées proches de chez nous dont certaines pratiques peuvent nous paraître parfaitement étrangères, l’exposition relativise la notion d’ailleurs – toujours ethnocentrée – et celle du déplacement.

Outre l’attrait pour diverses cultures, ces artistes s’intéressent plus précisément à des rituels ou des rites, à la construction de croyances. Partir vérifier des mythes, explorer des cultures en voie de disparition ou revenir aux sources enquêter sur une procession ancestrale qui perdure, telles sont leurs démarches respectives. Chacune d’entre elles a pour méthode de travail une phase d’immersion et de recherche documentaire, qui se manifeste ensuite différemment dans leur pratique. L’édition ou la conférence peuvent faire œuvre dans le travail d’ Hélène Bertin, Éléonore False associe des documents en tant que tels à des objets, tandis qu’ils deviennent partie intégrante plus ou moins identifiable des œuvres d’ Ingrid Luche.

Enfin, ces artistes partagent un usage de techniques artisanales – céramique, textile, tissage, travail du verre, qu’elles expérimentent, recherchant la meilleure formalisation de leurs idées. Elles témoignent également toutes d’un intérêt pour le motif, avec ce qu’il représente en termes d’appartenance à une culture, une communauté ou un groupe. Un motif qu’elles décontextualisent et détournent pour le transposer sur des supports inattendus et par le biais de techniques inhabituelles.

Ainsi, une photographie préalable à une œuvre de Richard Prince devient le motif d’une robe d’ Ingrid Luche. Parallèlement à cette série de sculptures-robes impossible à porter car démesurées, l’artiste s’intéresse à une autre figure, celle de la youtubeuse Nasim Aghdam, militante vegan et pour la protection des animaux. Accusant YouTube de censure, elle se rend en 2018 au siège de la société avec une arme à feu et blesse plusieurs personnes avant de se suicider.

De son voyage au Japon, Éléonore False ramène un livre d’images de sites touristiques et de paysages du monde entier, à partir duquel elle réalise une sculpture murale. Supprimant les images, elle conserve la mise en page, les motifs imprimés comme les trames du papier, qu’elle reproduit, agrandis, sur des plaques de plexiglas. Jouant des effets de transparence et de superposition, la sculpture se décline en plusieurs variations permettant d’être recomposée à chaque présentation. L’artiste invite également le compositeur Nicolas Mollard à réaliser un travail sonore inspiré des goji no chaimu, sirènes rythmant la journée dans l’espace public au Japon.

Quant à la procession de l’Arbre de mai de Cucuron, Hélène Bertin renouvelle cette tradition en réalisant des sculptures dans le bois de l’arbre en question, auquel elle associe un costume unisexe, pensé pour permettre de porter l’arbre comme de danser. Chaque sculpture-totem porte un visage féminin en grès figurant sainte Tulle, la sainte honorée lors de ce rituel.

Ainsi, l’exposition fait cohabiter de manière entremêlée les univers, les objets et les motifs d’ Hélène Bertin, d’ Éléonore False, d’ Ingrid Luche. Elle devient un lieu à part entière, un territoire autonome composé d’éléments de différentes cultures et contrées parfaitement fondus dans des œuvres qui dialoguent entre elles. Nommé Bertfalhe, il appelle à son tour un imaginaire permettant à chacun·e de choisir où le situer sur une carte.

Anne Langlois