Activation de l’œuvre de Clédat & Petitpierre le 21.01 et le 12.03, à 15h30.

Dernier volet d’une série d’expositions collectives déployées en tryptique, après Archeologia en 2013 et Geologia en 2020, l’exposition Animalia ou la vie fantasmée des animaux regroupe des œuvres dans lesquelles la figure animale est présente, où elle joue même un rôle majeur, intégrée comme une actrice à part entière. Focalisées sur des animaux proches de nous, avec lesquels nous sommes en relation quotidiennement, animaux domestiques, d’élevage ou traditionnellement chassés, mais aussi ceux qui, pendant notre enfance, se cachent sous notre lit ou dans la cabane au fond du jardin, dans les méandres du lac voisin ou dans un pays lointain, et qui peuplent nos imaginaires individuels comme collectifs.

Avec des esthétiques et des modes narratifs différents, les œuvres rassemblées passent en revue un large panel des émotions que suscitent chez nous les animaux : une empathie qui poussée à l’extrême se transforme parfois en un phénomène d’identification forte, une fascination pouvant aller jusqu’à la vénération, une inquiétude qui peut se muer en effroi, une incompréhension ou du dégoût. Ainsi l’animal devient symbole, nous réconforte et nous rassure, nourrit nos peurs les plus profondes, explique ce qui échappe à notre entendement, se transforme en l’objet d’une quête existentielle.

Prenant la forme de représentations réalistes ou stylisées, filmées, sculptées, peintes ou composées par ordinateur, chaque œuvre déroule sa propre narration, avec des passages progressifs ou des va-et-vient constants entre réalisme et irréel assumé, ouvrant sur une interprétation singulière du thème de l’exposition.

L’œuvre de Clédat & Petitpierre, Abysse, introduit une poche d’humour et de jeu dans le concret de cette exposition. Cette sculpture évoquant les fonds marins s’anime ponctuellement en laissant surgir un animal non identifié qui rampe sur le sol de l’espace d’exposition.

Le style documentaire du film L’hypothèse du Mokélé Mbembe de Marie Voignier sème le doute sur la nature des images données à voir et sur la véracité des faits narrés, qu’on ne peut à aucun moment vérifier. Les chiens et la hyène empaillés de Nicolas Milhé semblent de leur présence morbide nous observer de biais. Le réalisme du film de Bertille Bak, Le hameau, comme celui de Darielle Tillon, L’esprit des animaux, vrille vers le surnaturel, que l’on retrouve pleinement dans les sculptures abstraites de Jean-Marie Perdrix réalisées à partir d’une peau de vache ou d’un crâne d’âne. Les peintures de Maël Nozahic, quant à elles, nous promènent dans des scènes oniriques où les loups semblent vivre en toute confiance. Bertrand Dezoteux comme Luiz Roque anticipent un futur où les animaux, dans un retournement de situation discret, prennent clairement la place des êtres humains – et le pouvoir sur eux.

Parfaitement intégrées en tant qu’images, au même titre que les peintures et les sculptures, les vidéos alternent sur trois écrans distincts. Leur déroulement successif et simultané crée un mouvement permanent qui recompose l’exposition et la décline en de multiples versions, faisant de chaque visite une expérience unique.

Ainsi, l’exposition Animalia ou la vie fantasmée des animaux devient un point de vue sur le monde dans sa dimension historique, politique, religieuse, et sociétale, dont l’animal est évidemment partie prenante. Elle révèle la complexité et l’ambiguïté de notre rapport aux animaux qui, malgré tous nos efforts pour les assigner à une place maîtrisable, nous débordent et nous dépassent sans cesse.

Anne Langlois