Exposition présentée dans le cadre de la saison France-Roumanie 2019

40mcube
48 avenue Sergent Maginot
35000 Rennes

Dans le cadre de la Saison France-Roumanie 2019, 40mcube accueille en résidence et présente une exposition du duo Anca Benera & Arnold Estefan.

Suite à leur résidence à 40mcube, Anca Benera & Arnold Estefan présentent une exposition constituée d’œuvres existantes et d’œuvres produites à cette occasion. À travers des formes variées (installations, sculptures, vidéos, performances, etc.), les artistes examinent les relations de pouvoir, les lois et conventions qui régissent nos sociétés et leurs citoyens, qu’ils proposent de réinventer constamment.

Le travail d’Anca Benera & Arnold Estefán met en lumière des épisodes d’une histoire mondiale récente – voire en cours, donc mouvante – issus de différents contextes sociaux, politiques, économiques et culturels. Les artistes pointent des éléments factuels ou narratifs qu’ils puisent notamment dans des sciences comme la chimie, la géologie, la géographie, etc. Ils abordent des questions de territoire comme celle des frontières nationales (Conflict Lines, 2018), qui s’avèrent bouger en fonction de choix géopolitiques ou en raison de conflits, ou les terres que se disputent les États sans pour autant avoir la reconnaissance de la communauté internationale (The Last Land, 2018). Ils s’intéressent également à une nature fabriquée par l’homme, à la manière dont la géologie est altérée et dont les paysages sont remodelés. Ils inventent le terme de débrisphère, qui désigne pour eux une couche sans nom de la croûte terrestre, une supra-strate de la lithosphère réunissant des paysages artificiels à travers le monde, tels que récifs coralliens militaires, montagnes façonnées par l’homme, et autres constructions encore en usage ou non, qui sont le résultat de conflits et de guerres.

Si leurs sources sont documentaires, ils en révèlent la partialité et la fiabilité relative. Conflict Lines, par exemple, présente le monde selon Google et pointe le fait que selon le pays dans lequel on se connecte, les frontières qui y apparaissent ne sont pas les mêmes. Leurs œuvres mettent également en lumière des stratégies de pouvoirs et les rapports entre l’individu et les systèmes hiérarchiques. En imaginant de nouvelles affiliations nationales, culturelle ou ethniques, et en inventant de nouveaux signes d’identification pour des groupes discriminés, Anca Benera & Arnold Estefán abordent la notion d’identité et questionnent notre mémoire collective (We are all Dust and Ashes, 2017 – en cours).

The Last Particles
Selon une étude récente du journal The Sedimentary Record (1), le sable des plages de Normandie contient environ 4 % d’éclats d’obus et de débris métalliques provenant du Débarquement.

Anca Benera & Arnold Estefán utilisent ce « sable magnétique » comme matière première pour leur installation The Last Particles et créent de nouvelles histoires autour de ces particules. Presque visibles à l’œil nu, elles peuvent aussi être observées au microscope dans l’installation réalisée par les artistes, qui s’inspire des laboratoires scientifiques. Dans la vidéo, les particules deviennent les acteurs d’une chorégraphie et prennent progressivement l’apparence d’un organisme vivant. Leurs mouvements, qui créent l’illusion d’une foule ou d’un champ de bataille vus en surplomb, sont basés sur les théories formulées par l’écrivain Elias Canetti (1905 – 1994) dans son ouvrage Masse et puissance (1960), dans lequel il explique les mécanismes qui conduisent la foule à suivre un leader. Les artistes renvoient aux analogies utilisées aujourd’hui dans l’analyse du comportement des foules, qui assimilent ces dernières à des systèmes d’atomes ou de molécules.
(1) The Sedimentary Record, vol. 9, no 3, Septembre 2011.

The Desert Rock that Feeds the World
L’installation d’Anca Benera & Arnold Estefán fait référence au mur de sable construit par le Maroc au Sahara occidental, zone désignée par les Nations Unies comme « territoire non autonome » qui abrite sur le site de Boukraa un gisement de phosphate de 1,7 milliard de tonnes. Construit pour maintenir les Sahraouis, population vivant dans la partie orientale du Sahara, loin des ressources naturelles de la région, le mur de sable marocain est la plus grande barrière militaire active au monde. Il permet au Maroc de contrôler la partie nord-ouest du Sahara occidental.

Pour les artistes, ce mur est un exemple parfait de débrisphère. Ils incluent dans leur installation un morceau de phosphate, en référence à l’une des ressources naturelles les plus importantes du Sahara occidental. Essentiel à la vie végétale et animale, permettant notamment la fabrication d’ADN dans le corps humain, le phosphore sert aussi d’engrais. Comme il ne peut être produit artificiellement, les gisements attisent des convoitises qui génèrent des tensions ayant pour conséquence la modification du paysage.

Citrus Tristeza
Citrus Tristeza est un virus qui a conduit à la mort de millions d’agrumes dans le monde entier et en a rendu plusieurs millions d’autres impropres à la production. Par un tragique hasard, l’apparition du virus coïncide avec l’émergence du fascisme en Europe.

La performance réalisée par les artistes et dont la vidéo rend compte consiste à écrire à l’aide de citrons dans l’espace public à Palerme, sur des bâtiments, des ruines, ou sur le trottoir. Le jus de citron s’évapore lentement, ce qui conduit à la disparition du texte, avant qu’il ait pu être lu par les habitants. Anca Benera & Arnold Estefán dressent aussi un lien avec le productivisme agricole en Italie qui a conduit à une forte augmentation des exportations et à l’exploitation de migrants, souvent originaires de Roumanie ou d’Europe orientale, contraints à garder le silence en raison de la précarité de leur situation.

The Conflict Lines
Les frontières séparant des États sont parfois difficiles à tracer avec certitude. Elles peuvent varier selon le pays dans lequel on se trouve et ses revendications territoriales. Dans certains cas, afin de ne pas prendre position sur un conflit et de préserver ses intérêts, Google montre des frontières différentes selon le pays depuis lequel on se connecte à Internet. Il arrive aussi que le moteur de recherche change les frontières selon le nom de domaine visité par l’internaute. En 2010, Google a brièvement donné par erreur une partie du Costa Rica au Nicaragua voisin, conduisant au déploiement de troupes militaires pour sécuriser la frontière reconnue par la communauté internationale.

Avec Confict Lines, Anca Benera & Arnold Estefán révèlent un monde à la cartographie trouble, non délimité par Google Maps, et exposent les zones de conflit dissimulées par l’entreprise californienne.

The Last Land
La terre de Marie Byrd en Antarctique est l’un des derniers territoires à n’être revendiqué par aucun État, conséquence directe du Traité de l’Antarctique qui est entré en vigueur après la Seconde Guerre mondiale et qui n’autorise que des activités pacifiques sur ce continent, principe par la suite appliqué à la Lune et à l’espace. Aujourd’hui, une grande partie de l’Antarctique est l’objet de revendications territoriales plus ou moins reconnues par la communauté internationale. Bien que l’annexion du continent soit impossible, des tensions apparues en raison des potentielles richesses en ressources naturelles comme le pétrole et le gaz pourraient conduire à l’abrogation du traité, dont l’expiration est initialement prévue en 2048.

Si la terre de Marie Byrd appartenait à tout le monde, chaque citoyen pourrait en posséder 0,20 m2 en 2018. Dans cette œuvre constamment actualisée en fonction de la population mondiale, Anca Benera & Arnold Estefán reprennent le contour de la terre de Marie Byrd et donnent à la représentation du territoire une surface de 0,20 m2, révélant la minuscule part non réclamée par les États que chacun pourrait posséder.

Isa por ës homou vogymuk (We are all Dust and Ashes)
Les kopjafaks sont des totems en bois sculpté réalisés dans le Pays sicule, région roumaine située en Transylvanie où l’on parle hongrois. Placés auprès des sépultures, ils représentent à travers des formes géométriques symboliques les différentes personnes dont ils gardent le corps. Les motifs sculptés sur chaque segment du totem permettent ainsi de savoir si le défunt est une femme ou un homme, et de connaître son statut social et marital, son âge, etc.

À l’origine, les kopjafaks étaient utilisés dans les cimetières protestants de Transylvanie. Plus récemment, ils ont été instrumentalisés par le régime nationaliste hongrois et revendiqués comme éléments vernaculaires représentant la « pureté nationale hongroise ».

Pour réaliser cette œuvre, Anca Benera & Arnold Estefán ont travaillé avec un sculpteur sur bois de Transylvanie et ont produit tout un ensemble de nouveaux symboles désignant des groupes sociaux qui sont discriminés par le gouvernement hongrois actuel : migrants, communauté LGBT, personnes sans-abris, etc. Ils détournent ainsi la rhétorique nationaliste, avec l’objectif d’amener les formes nouvellement créées à infiltrer les représentations traditionnelles des sculpteurs et de les voir apparaître dans l’espace public en Hongrie.

La Saison France-Roumanie 2019 est organisée et mise en œuvre :

Pour la Roumanie : par le ministère des Affaires étrangères, le Secrétariat général du Gouvernement, le ministère de la Culture et de l’Identité nationale, le ministère de la Défense, le ministère du Tourisme, le ministère de la Recherche et de l’Innovation, le ministère de l’Education, le ministère de l’Economie, l’Ambassade de Roumanie en France et l’Institut culturel roumain.
Commissaire général : Andrei Tarnea

Pour la France : par l’Institut français avec le soutien du ministère de l’Europe et des Affaires étrangères, du ministère de la Culture, du ministère de l’Economie et des Finances, du ministère de l’Education nationale, du ministère de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation, du ministère de la Transition écologique et solidaire, du ministère des Sports, de l’Ambassade de France en Roumanie, du réseau des établissements de l’Institut français de Roumanie et des Alliances françaises.

Commissaire général : Jean-Jacques Garnier.